Développer les transports durables sans générer des inégalités, est-ce possible ?

Les voitures individuelles se sont multipliées dans les villes des pays émergents (comme l’Inde ici), et l’air y est devenu souvent irrespirable (photo Pixabay)

Les voitures individuelles se sont multipliées dans les villes des pays émergents (comme l’Inde ici), et l’air y est devenu souvent irrespirable (photo Pixabay)

La croissance de pays émergents couplée à une explosion démographique ces dernières décennies, a abouti à une augmentation considérable de l’utilisation des transports individuels dans le monde et ceux – ci fonctionnent le plus souvent aux hydrocarbures : c’est un véritable fléau pour la planète. Ce type de véhicules, on le sait tous, engendre la pollution des villes par le rejet de micro-particules (très petites particules qui polluent l’air que nous respirons, et s’infiltrent dans notre organisme pouvant ainsi provoquer des maladies) et de gaz à effet de serre comme le CO2 qui contribuent au réchauffement climatique.  Dans son dernier rapport de mai 2020, le Citepa (Centre technique de référence en matière de pollution atmosphérique et de changement climatique), estime que les transports sont responsables à 31% du rejet des GES. Il est ainsi logique de penser que, pour lutter contre le changement climatique, il faut changer nos habitudes de transports et aller vers des modes plus éco responsables. Mais cela doit-il se faire au prix de fractures sociales et spatiales plus nombreuses ?

Plus d’écomobilité

Pour lutter contre les émissions de gaz à effet de serre, les gouvernements mettent en place depuis plusieurs années des mesures écologiques et privilégient des transports plus durables. Ce sont les vignettes Crit’Air qui ont fait leur apparition en France d’abord dans deux grandes villes (Paris et Grenoble) avant d’être étendues à toute une série de métropoles françaises (Bordeaux, Toulouse, Montpellier, Marseille etc..) et à toute l’Ile de France. Le but consiste à classer les voitures en fonction de leurs rejets de CO2 et d’interdire aux voitures les plus émettrices, donc Crit’Air 4 et 5, l’entrée des centres de ces villes. Ces mesures se renforceront dans les années à venir. Le but est de dissuader d’utiliser et d’acheter des véhicules polluants.

Ce sont aussi en parallèle les bonus/malus écologiques sur l’achat de voiture, les primes pour l’achat de véhicules électriques ou encore le développement de transport en commun plus respectueux : dans notre région, est née la première ligne de bus fonctionnant grâce à de l’hydrogène vert (non produit grâce aux hydrocarbures).

Mais des inégalités qui se renforcent

Ces différentes mesures influencent déjà l’industrie automobile qui entame sa conversion à l’électrique ; tous les constructeurs s’y mettent et Renault, par exemple, est en train de convertir à l’électrique tous ses véhicules sortant de ses usines de Douai et Maubeuge. Cependant, ces mesures qui encouragent le respect de l’environnement génèrent des inégalités au sein des populations.

D’abord, tout le monde ne peut pas avoir accès à la voiture électrique. Son prix reste élevé et, malgré les aides, la situation financière de certaines familles ne leur permet pas l’achat de ce type de voitures. La hausse récente du prix des carburants changera peut – être la donne mais pour l’instant, l’électrique reste trop cher pour beaucoup de familles modestes.

Développer des réseaux de transport en commun performants permet de lutter contre les inégalités (Photo CAC)

Développer des réseaux de transport en commun performants permet de lutter contre les inégalités (Photo CAC)

On pourrait alors se dire que les transports en commun sont là pour pallier ce problème, mais ce n’est pas le cas. Les horaires ne sont pas toujours adaptés et, lorsqu’on habite à la campagne, ces transports sont parfois inappropriés. Prenons Dunkerque, ville de plus de 86 000 habitants où sur tout le réseau, un bus se présente aux arrêts toutes les 10 minutes. A contrario, Avesnes-les-Aubert, village de 3 640 habitants à 10 km de Cambrai où se trouve notre lycée, ne voit un bus se présenter qu’aux heures de pointe soit le matin, le midi et le soir.

Cela engendre donc des problèmes pour les horaires de travail de certaines personnes et empêche l’utilisation de ces transports en commun pour des activités quotidiennes (rendez-vous médicaux, courses…). Pour beaucoup, la mobilité reste bien compliquée, source d’inégalités quand on n’a pas la possibilité de se payer un véhicule personnel.

La mobilité une priorité à la fois sociale et environnementale

Marjorie Gosselet à la CAC réfléchit à de nouveaux transports collectifs éco responsables et solidaires (Photo Le Hublot)

Marjorie Gosselet à la CAC réfléchit à de nouveaux transports collectifs éco responsables et solidaires (Photo Le Hublot)

Certaines villes l’ont bien compris et cherchent par leurs moyens de transports collectifs à lutter contre ces inégalités. Marjorie Gosselet, vice-présidente de la communauté d’agglomération de Cambrai (« CAC » qui rassemble 55 communes pour 85 000 habitants) nous a expliqué que l’objectif était bien de proposer l’accessibilité aux transports collectifs dans toute l’agglomération, aussi bien le centre que ses couronnes périurbaines pour inciter la population à utiliser un mode de transport plus écologique et économique. La CAC propose le transport scolaire, la navette gratuite, mobi-plus (un transport à la demande au prix d’un euro pour les personnes en situation de handicap ou âgées…). De plus en plus, elle met en place des véhicules propres (électriques) et elle réfléchit pour juillet prochain à de nouvelles solutions dont un TAD (Transport à la Demande) sur réservation, à des voitures électriques partagées, à la mise en place de transports dans les zones de travail et à la création de quatre aires de covoiturage.

L’installation d’aires de vélo peut aussi être une solution pour la mobilité. Même si l’accès aux transports en commun est limité pour certains, le vélo est facilement accessible. Cela suppose davantage de pistes cyclables et des aires de stationnement sécurisées. De plus, c’est moins couteux que l’entretien d’une ligne de bus. Par contre, cela nécessite de changer ses habitudes ; pour les courtes distances c’est non seulement écologique mais aussi un moyen de faire de l’activité physique.

Pour les plus longs trajets, vers Lille ou Paris pour nous, le train est la solution idéale à condition d’avoir suffisamment de dessertes. Son prix reste très accessible quand, comme nous, on peut avoir un abonnement étudiant ou même un abonnement travail pour les salariés. De nombreuses actions tarifaires rendent aujourd’hui le train dans notre région plutôt bon marché.

Les inégalités sont au cœur des questions liées à la mobilité. L’oublier, à l’heure du changement climatique, serait catastrophique pour nos sociétés dont les fractures restent nombreuses. Souvenons-nous du mouvement des gilets jaunes né en 2018 d’un projet de taxe carbone sur les carburants. Chaque collectivité, métropole, grande ou petite ville, village avance aujourd’hui vers la mise en œuvre de transports accessibles à tous. Les transports en communs sont les plus adaptés dans la lutte contre la pollution des villes ou la dégradation de l’environnement.  Ils peuvent aussi lutter efficacement contre les inégalités particulièrement quand leurs réseaux sont denses, leurs dessertes nombreuses, leur fréquence importante et encore plus quand ils deviennent gratuits.

Abraham Edwards, Kelly Tricquet, Justine Copin

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