L’érosion du littoral, véritable bras de fer entre l’homme et la nature
L’érosion des littoraux, l’une des principales conséquences du réchauffement climatique, est méconnue de la population. Pourtant, en France, chaque année, elle provoque un recul du trait de côte de presque trois mètres et déjà la perte de plus de 26 km2 de territoire français, soit l’équivalent de la ville de Caen.
Au Bois des Sapins entre Berck et Groffliers dans le Pas-de- Calais, ce phénomène dure depuis plusieurs années. En 2012, année forte en tempêtes, a eu lieu un triste record : une perte de 40 mètres de territoire, et 100 mètres en un an et demi. Ces chiffres risquent malheureusement de s’intensifier si rien n’est fait car la Baie d’Authie, qui passe à proximité du Bois, est l’une des dernières baies naturelles d’Europe. Mais alors qui est responsable ?
Le réchauffement climatique, principal responsable
Effectivement, nous savons tous que le dérèglement cause un réchauffement de la planète, qui pourrait atteindre 5° d’ici 2100, ce qui engendre la fonte des glaces terrestres en Antarctique ou au Groenland. L’eau contenue dans les glaces se déverse donc dans les mers et océans, ce qui remonte leur niveau et indirectement celui des fleuves. Ainsi, au Bois des Sapins, sur la côte d’Opale, dans notre région des Hauts de France, c’est le fleuve de l’Authie qui se gonfle d’eau et sort plus régulièrement de son lit, en cherchant à rejoindre la mer, et s’engouffrant dans une brèche créée naturellement par les marées. Cela donne lieu à des marées plus importantes, accentuées, en automne et en hiver, par des tempêtes qui, d’années en années, deviennent de plus en plus régulières à cause du dérèglement climatique. Ce qui n’était qu’une petite tempête sans grande importance il y a quelques années, devient aujourd’hui un évènement à surveiller.
Une érosion inquiétante
On parle ainsi d’érosion même si ce n’est pas une érosion comme l’érosion fluvioglaciaire (l’érosion des glaces). En effet, le sable qui est enlevé des côtes entourant la Baie d’Authie est ramené par la marée à d’autres endroits.
« Tout le sable qu’on perd, on le retrouve où on ne veut pas, par exemple à Fort-Mahon », (une commune située de l’autre côté de la baie à 5km au Sud) explique Daniel Moitel, président de l’association SOS Baie d’Authie, que nous avons rencontré et qui avait déjà écrit un article sur la destruction d’une partie du Bois Des Sapins à Berck dans un journal local, en janvier 2011. En février de la même année, une manifestation sur la plage avait réuni des centaines de personnes.
A l’échelle globale aujourd’hui, les évènements extrêmes se multiplient. Si dans les zones intertropicales, c’est le nombre de cyclones qui augmente, à l’échelle du Bois des Sapins, ce sont les tempêtes qui se multiplient toujours plus fortes et destructrices. Les vagues, ainsi que les rafales de vent, viennent frapper les côtes avec une force incroyable, emportant parfois ce qu’elles rencontrent sur leur chemin, comme un Blockhaus de la Seconde Guerre Mondiale qui, en décembre 2019, est tombé d’une dune pour finir sa course dans la mer.
« Aujourd’hui la profondeur de la Baie d’Authie est de 6,45 mètres, mais la protection mise en place correspond à une hauteur d’eau de 6,80 mètres, ça ne sera bientôt plus assez » poursuit le Président de l’Association SOS Baie d’Authie.
L’homme ne se rend compte que trop tard des conséquences de son activité et, aujourd’hui, vivre en bord de mer est de plus en plus compliqué.
Des aménagements pour limiter les dégâts ?
La Baie d’Authie est ainsi en urgence maximale. Les élus et la population ont peur que l’eau ne submerge les habitations et les terrains agricoles situés derrière les dunes. Si cela arrivait, ce serait cinq à dix ans sans culture, car les terres deviennent infertiles avec le sel. Les agriculteurs subiraient donc d’importantes pertes financières et la disparition du travail de cinq générations. Au niveau du Bois des Pins, ce sont des dizaines de sapins allongés sur le sol, cassés par la force des vagues.
C’est donc pour cette raison, que depuis la tempête Xynthia, il y a déjà dix ans, les élus ont décidé de déployer un Plan d’Amélioration et de Prévention aux Inondations (« PAPI »). Celui-ci a pour but de trouver une solution pérenne à une échelle bien plus importante que celle d’une simple baie.
Dans ce cadre, des aménagements ont eu lieu avec la pose de pieux pour ralentir les vagues lors des grandes marées, mais également des filets biodégradables afin de réduire la quantité de sable enlevée par les marées
et ainsi limiter le recul du trait de côte. Des travaux de réensablement ont également commencé depuis plusieurs années. Plus de 35 000 mètres cube de sable ont déjà servi pour consolider les dunes. Mais ces chantiers coûtent très cher aux communes et nécessitent des autorisations de l’Etat longues à obtenir puisqu’on se situe ici sur le domaine maritime public. Pendant ce temps, l’érosion a continué, les événements climatiques ne se sont pas arrêtés, le trait de côte a continué de reculer et l’inquiétude des riverains a augmenté, eux qui sont menacés à tout moment de devoir quitter leur habitation.
Aujourd’hui, les élus optent pour la modernité, en plus des protections déjà mises en place. Depuis l’an dernier, la baie est surveillée par satellite, pour compléter les données relevées sur le terrain et ainsi disposer d’informations plus précises en temps réel.
L’érosion de notre littoral est une des principales conséquences du réchauffement climatique. C’est un problème majeur qui aura de lourdes conséquences humaines et économiques.
L’action est urgente et nécessaire : l’homme a certes commencé à mettre en place des aménagements, mais seront-ils suffisants ? Les enjeux ne sont-ils pas à une autre échelle, par exemple par la lutte effective et rapide contre les gaz à effet de serre, car c’est quand même cela la première cause de l’érosion.
Corentin Deldalle