Un petit masque pour l’homme mais un grand danger pour l’humanité
Il y a un peu plus d’un an s’installait dans le monde entier une crise sanitaire inédite…L’accessoire indispensable de la lutte contre le virus s’est affirmé très vite : tous derrière les masques ! Imitant nos cousins asiatiques, nous nous sommes mis le masque à porter au quotidien. Accessoires devenus indispensables mais souvent jetables, ils sont produits à plus de 1,2 milliard d’exemplaires par semaine ce qui crée 400 tonnes de déchets par jour ! Et ces masques sont devenus une source de pollution supplémentaire dans la nature.
On les trouve partout
Florian Danielo, que nous avons joint à distance, a monté un projet appelé « Cycleantrip ». Florian, vous l’avez peut-être vu passer à la télé, puisque, en septembre dernier, il s’est lancé dans un tour de France à vélo pour dénoncer le problème des déchets abandonnés dans la nature. Et les masques y figurent aujourd’hui en bonne place. En 3 mois et 4000 kilomètres parcourus, Florian a trouvé 620 masques au bord des routes françaises, expliquant qu’il ne pouvait pas tous les ramasser car sinon il se serait arrêté très souvent. Il veut surtout dénoncer certaines personnes sans scrupules qui abandonnent leurs masques par terre, dans la rue ou dans la nature. D’ailleurs, notre lycée, les rues aux alentours et notre ville sont aussi touchés. Rien que sur un trajet de 100 mètres pour aller au lycée, nous en avons déjà trouvé 5 ou 6.
Pourtant des masques très polluants
Ces masques sont composés d’un matériau difficilement recyclable : le polypropylène. De formule (C3H6)n, c’est une matière plastique très malléable et beaucoup utilisée dans l’industrie depuis 1954. Facilement réutilisable quand elle est sous forme de film, cette matière est néfaste dans les masques puisque certains animaux aquatiques comme les tortues de mer confondent les masques (et les plastiques en général) avec leur nourriture naturelle, ce qui peut engendrer leur mort par étouffement.
En 2020, des masques et des gants ont été retrouvés dans neuf grands fleuves européens : La Tamise, l’Elbe, le Rhin, la Seine, l’Ebre, le Rhône, le Tibre, la Garonne et la Loire. Même s’il est encore trop tôt pour estimer la quantité de masques présents dans ces fleuves, la pollution est d’une grande envergure et crée des déséquilibres dans la faune marine mais aussi sur les littoraux. Déjà que 79 % du plastique produit dans le monde se retrouve tôt ou tard dans la nature, le chiffre ne peut qu’augmenter avec la pollution due aux masques.
Alors comment agir ?
Pour Florian Danielo, la première solution est évidente : ne pas les jeter dans la nature mais les collecter et les recycler. Pourtant, certains pays pauvres n’ont pas les capacités de triage et de recyclage des déchets et même la France n’a pas assez anticipé la gestion de ses masques usagés : « On ne réfléchit pas assez à l’après-utilisation d’un objet. Quand on a créé les masques, on n’a pas pensé à la façon dont on allait gérer ce problème de déchets liés à ces masques ». Alors que d’un côté on interdit depuis janvier 2021, la vente des plastiques à usage unique, on a produit des masques sans penser aux conséquences parce que la priorité du moment était la lutte contre l’épidémie. Mais pouvons-nous pour autant négliger notre environnement ?
Il faut d’abord collecter et proposer à chacun des lieux de collecte
Des chaines de magasin comme Carrefour proposent de les récupérer et de les recycler en installant des box de récupération dans certains magasins. Pour l’instant, il s’agit d’une phase expérimentale testée dans 10 magasins en Ile de France. Si cela s’avère concluant, cette initiative sera étendue dans tous les Carrefours du pays. Derrière cette action, c’est en fait l’entreprise Terracycle qui propose des programmes de recyclage pour tous les déchets qui sont réputés ne pas l’être…. Il est ainsi possible de faire une demande pour obtenir une boîte pour les entreprises ou les établissements scolaires comme le nôtre.
Dans notre région, l’entreprise Cosmolys, spécialisée dans la collecte des déchets médicaux, basée à Avelin près de Lille s’est lancée dans le recyclage des masques. Cosmolys broie ou incinère 8000 tonnes de déchets par an. L’ensemble des masques collectés est acheminé sur une ligne de désinfection et de tri. Après désinfection, les masques sont broyés puis triés. Le polypropylène est alors mis de côté pour être réutilisé dans les filières industrielles de fabrication (automobile, textile) ou pour faire des seringues et des tubes pour prélever le sang. Mais ce procédé pose un problème, puisque tout ne peut être recyclé, et notamment la partie susceptible d’être infectée qui doit être incinérée : l’entreprise explique qu’il s’agit alors de fournir des CSR (combustibles solides de récupération) comme source d’énergie mais l’incinération risque de rejeter du CO2 et des résidus de fumées toxiques, ce qui n’est vraiment pas idéal.
En Nouvelle Aquitaine, une autre entreprise, Plaxtil, spécialisée dans la récupération de déchets triés recycle les masques usagés pour en faire des visières, des ouvre-portes. Cette entreprise utilise une méthode minutieuse : les masques sont broyés puis décontaminés une première fois par la mise en quarantaine et une seconde fois par l’exposition aux rayons ultraviolets qui enlèvent les éventuels restes de microbes. Les masques broyés décontaminés sont ensuite chauffés dans une presse à injection pour pouvoir créer d’autres objets en plastique
Et si on les réutilisait ?
Plutôt que de les jeter, des chercheurs du CNRS ont testé, dès mars 2020, des méthodes pour nettoyer les masques déjà utilisés sans altérer leurs capacités de protection. Le débat a fait rage mais des associations de consommateurs et des experts ont expliqué, après les avoir testés qu’il était acceptable de laver sans risque ces masques jetables jusqu’à 10 fois et qu’ils gardaient leur pouvoir de filtration. Pour autant le Haut Conseil de la Santé publique a maintenu jusqu’alors un avis négatif sur le lavage des masques dits jetables. L’utilisation du masque en tissu, solution alternative, peut limiter la contamination à condition qu’ils répondent aux normes Afnor qui protège à 90% contre le virus. Les masques en tissu sont lavables à 60° ce qui permet de tuer 100 % des virus et bactéries et ils peuvent être lavés jusqu’à 100 fois.
Enfin, une autre solution pour recycler les masques usagés est de leur offrir une seconde vie comme œuvre d’art : des créateurs artistiques s’en servent aujourd’hui comme matériau. Florian a ainsi remis les masques qu’il avait ramassés à une artiste indépendante pour en faire une sculpture…Notre planète n’a pas à subir les conséquences d’une pollution liée à la crise sanitaire : elle est déjà suffisamment menacée. Alors sensibilisons, parlons-en autour de nous : il ne faut pas abandonner les masques dans la rue !
Alessio Dreumont et Antonin Planchon