Animaux marins, la captivité un bien pour un mal ?

En octobre 2021, un amendement à la loi L214 a été adopté en deuxième lecture à l’Assemblée Nationale, il renforce la lutte contre la maltraitance envers les animaux et interdit dans un délai de 5 ans la présentation d’animaux sauvages dans les cirques et la captivité des cétacés. Une décision lourde de conséquences, un bouleversement pour les grands parcs aquatiques qui vont devoir s’adapter ou même fermer. Plongeons dans deux de ces grands parcs pour en savoir un peu plus. Ces animaux marins y sont-ils vraiment en danger ?

Des centres parfois mis en cause

Nausicaa présente 60 000 animaux marins donc ces gigantesques mérous (Photo Le Hublot)

Nausicaa présente 60 000 animaux marins donc ces gigantesques mérous (Photo Le Hublot)

Nausicaa est un centre aquatique situé à Boulogne sur Mer avec 60 000 animaux et 1 600 espèces différentes qui y vivent. Charles*, soigneur de Nausicaa, a répondu à nos questions afin de nous en dire plus sur ce centre.  Dès le départ, Nausicaa a été pensé comme un outil de sensibilisation au monde marin et non comme un simple parc touristique. Le centre cherche ainsi à attirer l’attention sur les fonds marins, afin de montrer le monde aquatique au plus grand nombre et ainsi sensibiliser à la protection des océans.

Pourtant, entre 2011 et 2019, une trentaine de requins-marteaux y sont morts. Cela aurait été provoqué par un champignon mortel nommé Fusariose. A l’époque, certains articles parus dans la Voix du Nord, le journal régional, expliquent que les requins auraient contracté le champignon à force de fatigue et de stress ; ils n’auraient pas supporté le trajet entre l’Australie et Nausicaa. Mais Philippe Vallette, le directeur de Nausicaa de l’époque, avait réfuté ces accusations : « le bassin était à la bonne taille pour cette espèce. Les requins doivent avoir un espace équivalent à dix ou quinze fois leur longueur pour évoluer. Il y a eu d’autres expériences dans le monde qui le prouvent. La différence, c’est que nos collègues prélèvent des animaux plus grands, qui sont moins fragiles. »

Charles*, notre soigneur, nous a également expliqué que c’était une maladie spécifique à ces requins et que cela n’affectait pas les autres animaux présents, et que cela survenait aussi dans le milieu naturel. Cet épisode dramatique autour des requins de Nausicaa a contribué à nourrir le débat contre la captivité des animaux aquatiques.  En effet, aussi grands que soient leurs bassins, ils ne peuvent pas remplacer l’océan. Et comme les requins ne sont pas des cétacés, ils ne sont pas concernés par la loi qui vient d’être adoptée.

Nausicaa n’a jamais accueilli de cétacés contrairement à d’autres parcs aquatiques comme Marineland.

Ce gigantesque parc aquatique est installé à Antibes, sur la côte d’Azur. Il se veut acteur de la cause environnementale et animale. Il cultive l’idée que rencontrer l’animal est le meilleur moyen d’en devenir un fervent défenseur. En 2021, il comptait quatre orques et 12 dauphins nés en captivité.

 Mais cette nouvelle législation adoptée le 21 octobre 2021 contre la fin de la captivité des cétacés, annonce la disparition des delphinariums dans les 5 ans : Marineland pourrait ne plus avoir d’orques d’ici 2022 et de dauphins d’ici 2027.

Des structures qui participent à la préservation des espèces

Nausicaa permet non seulement aux animaux mal en point de pouvoir être soignés mais s’attache également   à préserver des animaux en voie d’extinction.  Charles* nous a expliqué que, pour le bien-être des animaux, des scientifiques et des chercheurs sont mobilisés afin de mieux connaître leurs besoins tel que, par exemple, leur mode de reproduction. Cette captivité offre ainsi aux espèces marines une chance de se reproduire en toute sécurité. La règle est de ne prélever aucun animal dans son milieu naturel :  les animaux présents sont issus soit de la reproduction, soit des échanges avec d’autres centres. Depuis 2006, Nausicaa a ainsi enregistré la naissance de plus de 20 manchots, entre 3 et 6 raies guitares fouisseuses par an et, en 2020 et 2021, la naissance de bébés requins-zèbres et de requins-léopards. Par ailleurs, Nausicaa soutient des associations qui mènent des actions allant dans le sens de la protection des océans et de la biodiversité marine.

De leur côté, au sud, Marineland et son association mènent un programme de surveillance des macrodéchets accumulés dans l’environnement marin, appelé « Clean & Collect », renseignant non seulement sur la quantité mais également sur la nature de ces déchets. Ils développent également des actions de nettoyage de plages, de sauvetage et soins aux tortues de mer, de sensibilisation à la biodiversité…

Alors comment améliorer les conditions de vie des animaux ?

Marineland présente un spectacle avec ses 4 orques (Image pixabay, libre de droits)

Marineland présente un spectacle avec ses 4 orques (Image pixabay, libre de droits)

Des associations continuent néanmoins de dénoncer la captivité des animaux marins source de mal être.

A Nausicaa, on explique entendre ces critiques. Chaque espèce est prise en charge et accompagnée de kinésithérapeutes et des soigneurs spécialisés. Le centre a aussi adopté des techniques pour réduire les risques lors des transports comme pour les coraux qui sont transportés à sec et pour les animaux dont le transport s’effectue lors de leur jeune âge pour leur taille. Nausicaa ne relâche aucun animal né en captivité car ils ne sont plus forcément aptes à retrouver leur autonomie d’avant et parce qu’ils peuvent transmettre des maladies.

Au Marineland, on affirme aussi se préoccuper de ces questions. Mais ici l’utilisation des animaux tels que les cétacés, laisse à penser qu’il s’agit de répondre d’abord à des objectifs touristiques et donc économiques. Charles* comprend que la loi évolue. Pour lui, les cétacés sont très sensibles à la captivité, certains peuvent mal vieillir, changer de comportement ou encore contracter des maladies.

La loi, soutenue par de nombreuses associations, va ainsi dans le bon sens, en demandant de cesser d’utiliser ces animaux comme « attraction ». La solution serait sans doute de relâcher ces cétacés de Marineland dans un sanctuaire en mer, mais pourront-ils s’y adapter ?

La captivité des animaux marins peut être ainsi envisagée quand il s’agit de les protéger, de sensibiliser et d’éduquer au respect des océans, comme le fait Nausicaa. Surtout si elle ne concerne pas les cétacés bien plus sensibles. Il faut tourner définitivement le dos à d’autres pratiques de la captivité où la souffrance de cétacés a pu souvent être évoquée. Nous aurons toujours plus de plaisir à les admirer et à les croiser en toute liberté dans nos mers et océans.

Maylis Galametz, Célia Ferlier et Apolline Merliot

*nom d’emprunt pour préserver l’anonymat de notre interlocuteur à sa demande

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