Chaque année, 40 milliards de tonnes de sable sont prélevés dans la nature et ce n’est pas sans conséquence pour l’environnement. En effet, ces prélèvements causent de gros dégâts, produisant des dommages tant sur la biodiversité que sur les hommes. Si on ne les diminue pas, on ne pourra bientôt plus construire de bâtiments ni fabriquer certains produits. Quant à la baignade, elle sera peut-être bien compromise.
Le sable, le héros oublié
En effet, le sable, qui contient de la silice, est utilisé dans de nombreux secteurs de fabrication, très variés, comme le verre mais aussi le béton, les puces informatiques, les panneaux solaires et même le dentifrice. La verrerie de Masnières, près de Cambrai, utilise 10 000 tonnes de sable par an pour construire ses flacons, pots et bouteilles, selon Olivia Bellanger, responsable achat. Mais c’est le secteur de la construction qui nécessite le plus de sable : pour une maison, il faut compter 200 tonnes et 30 000 pour 1 seul kilomètre d’autoroute.
Il existe différents types de sable pour différentes utilisations : le sable de plage doit être filtré avant d’être utilisé ; le sable de carrière est surtout utilisé pour la fabrication du verre tandis que le sable des rivières, plus rugueux, est idéal pour la construction. Mais contrairement à ce qu’on pourrait croire, le sable n’est pas une ressource infinie et actuellement on extrait neuf fois plus de sable que de pétrole. De plus, tous les sables ne sont pas utilisables, notamment ceux des déserts, à cause de leur structure spécifique causée par le vent.
Mais qui consomme le sable ?
Rien qu’en France, 400 millions de tonnes par an sont utilisés pour fabriquer du verre, du béton ou certains composants électroniques. Mais c’est la Chine qui est le plus gros consommateur de sable parce que c’est un pays qui connaît une très grosse croissance économique et qu’il est très peuplé. Les Emirats Arabes Unis sont aussi pris de frénésie et construisent des gratte-ciels de plus en plus hauts, toujours plus coûteux en sable : le Burdj Khalifa, la plus haute tour du monde avec ses 828 mètres, a nécessité, à lui seul, 45700 tonnes de sable, importé d’Australie ; puisque le sable des déserts alentours est inutilisable, ils utilisent donc des sables marins brassés par les marées et les courants. Quant à Dubaï, ce sont 100 millions de tonnes de sable qui ont été nécessaires pour créer des îles artificielles comme les Palms Island ou The World, aujourd’hui abandonné.
Des conséquences sans précédent
La demande de sable a donc explosé, augmentant de 360% en 30 ans ! Et cela ne risque pas de s’arrêter puisque d’ici 2100 la population mondiale devrait augmenter de 47% et qu’elle manquera peut-être de sable pour construire des bâtiments. Voilà pourquoi la pénurie de sable devient un problème. Selon un rapport publié début 2020 par un groupe international de scientifiques, en 2100, plus de la moitié des plages du monde aura disparu. À cause du prélèvement massif de sable, certaines plages reculent : en Floride par exemple, 9 plages sur 10 sont en voie de disparition. De plus, ce prélèvement de sable sur le littoral rend infertiles les terres agricoles aux alentours parce que les nappes phréatiques sont envahies par l’eau de mer qui s’infiltre, comme c’est le cas près de Perpignan. Le creusage du sable menace la biodiversité, le tourisme et affaiblit les structures présentes autour du prélèvement.
Alors que faire ?
La première piste alternative, c’est le recyclage d’objets contenant déjà du sable, comme le verre ; en le broyant, on obtient du « sable de verre », permettant de refabriquer du verre et du béton recyclé. Ainsi, certaines entreprises ont décidé de changer leur fonctionnement et se sont donc spécialisées dans le recyclage du verre comme Solover, une entreprise française se trouvant dans la région de la Loire. La verrerie de Masnières près de Cambrai, a décidé, elle aussi, de faire baisser la quantité de sable prélevé dans le milieu naturel : le calcin, du verre recyclé dans le four, a été réintroduit, ce qui permet d’économiser les matières premières. Pourtant, Charlotte Defoin assistante marketing de la verrerie, nous explique aussi que ce recyclage pose certains problèmes : « La qualité du verre devient instable (couleurs et affinage) et il est impossible de réaliser un flacon de verre extra blanc ou transparent ». La verrerie de Masnières revend aussi son surplus de calcin à des entreprises qui le revalorisent, permettant ainsi de diminuer le prélèvement de sable. Les puces informatiques sont aussi triées et revalorisées. Mais, le processus de recyclage du verre est dangereux à cause du risque d’inhalation de micro-fragments provoquant certaines maladies pulmonaires.
Dans l’autre grand secteur qu’est la construction, on peut recycler le béton, le transformer en granulat de déconstruction et le réutiliser ainsi dans la construction de route à la place du sable. On peut aussi trouver des alternatives à ce béton et le remplacer par de l’argile qui est déjà utilisée dans la construction : ainsi, l’entreprise Terre Crue, en Ille et Villaine, a décidé de développer l’enduit de terre Dingé sur des maisons dont les murs sont composés de torchis, de paille et d’enduit. Plus besoin de sable et des techniques très isolantes ! Et l’inspiration provient directement d’Afrique où la terre a toujours été utilisée pour la construction des maisons. Sans aller si loin, n’oublions pas également nos briques en terre cuite, traditionnelles dans la construction des maisons du Nord : plus isolant que le béton, c’est un matériau qui n’utilise ni gravier, ni sable, ni ciment. C’est pourquoi aujourd’hui de nombreuses entreprises reviennent vers la construction en brique. Et puis pourquoi ne pas développer davantage aussi la construction en bois ? Et même en hauteur ! En Norvège, la Mjøstårnet, le bâtiment en bois le plus haut du monde inauguré en 2019, compte 18 étages pour 85 mètres de haut, avec des qualités de solidité, d’isolation et un bilan écologique très positif.
Il existe donc des solutions mais professionnels et particuliers doivent bien changer leurs comportements. C’est à ce prix qu’on pourra sauver cette ressource qui nous est indispensable et qu’on pourra sortir la tête du sable.
Nathan Fournigault