Le combat de la gourde contre la bouteille

En France, l’été dernier, on a vu des communes manquer d’eau du robinet et alimenter leur population en bouteilles plastiques. Étonnant en 2024 ? Pas tant que cela. L’eau douce est une ressource rare sur Terre, car uniquement 0.7% de l’eau est consommable par l’Homme. Et le changement climatique accentue le problème avec des périodes de sécheresse toujours plus nombreuses. D’autant que l’action de l’homme ne va pas toujours dans le bon sens…

On continue, en effet, de prélever dans les nappes phréatiques pour commercialiser l’eau en bouteille. Prenons l’exemple de l’Auvergne, où le groupe Danone contrôle la société des eaux de Volvic et puise de façon intensive dans les nappes depuis 1993. En juin dernier, l’alerte a été donnée puisque le niveau des nappes était tellement bas qu’on ne pouvait plus couvrir les besoins des habitants ou des agriculteurs. Peut-on encore se permettre d’épuiser des nappes ici pour vendre de l’eau en bouteille à l’autre bout du monde ? Ne faut-il pas promouvoir plus que jamais l’eau du robinet ? That is the question.

Eau du robinet, eau en bouteille, et si on tentait de mesurer ce qui se joue ? (Photo W. Legros)

L’eau du robinet, contrôlée et accessible à tous

En France, l’eau du robinet est potable et peut donc être consommée par tout le monde. De plus, elle est indispensable au bon fonctionnement de l’organisme humain, ce qui explique l’importance accordée à son accessibilité et à sa qualité. Pour cela, elle « doit respecter des exigences de qualité réglementaires fixées par un arrêté ministériel pour une soixantaine de paramètres » selon l’ANSES* ; un maire risque d’être sanctionné si les vérifications de sa qualité ne sont pas respectées comme nous le confirme Pascal Duez, maire de la petite commune de Villers-en-Cauchies dans le Nord que nous avons rencontré. L’eau du robinet subit donc un contrôle régulier et constant pour éliminer les risques sanitaires, notamment par des vérifications du fonctionnement des installations; les vérifications sont exercées par la personne responsable de la production et de la distribution de l’eau. Ce programme de prélèvement et d’analyses d’eau est assuré par des laboratoires indépendants agréés par le Ministère de la Santé et retenus par les Agences Régionales de santé. Ces contrôles et informations sont collectés dans un fichier sanitaire qui suit ces vérifications*.

L’eau en bouteille, une fausse bonne idée

En France, la grande majorité de l’eau vendue en bouteille est commercialisée en bouteilles plastiques qui ne manquent pas de diffuser leurs microparticules dans l’eau qu’elles contiennent. Le corps humain ingère ainsi l’équivalent d’une à deux cartes bancaires par an avec ces eaux en bouteilles plastiques : constat effrayant !

Beaucoup de déchets plastiques avec les bouteilles pas forcément recyclées (Photo libre de droits istockphoto)

Tout récemment, en janvier dernier, une enquête a été ouverte contre le groupe Nestlé Waters qui aurait adopté des méthodes non conformes, des traitements de purification sur l’eau interdits en France comme le charbon actif et les ultra- violets, potentiellement nocifs pour la santé. Selon le journal Le Parisien plus d’un tiers des marques d’eaux en bouteilles pratique cette technique, démontrant que le groupe Nestlé Waters n’est pas le seul à avoir utilisé ces traitements dangereux !

Ajoutons aussi que les bouteilles plastiques ne sont pas vendues uniquement à proximité de la production. Les nombreuses marques de bouteilles plastiques exportent leurs eaux à travers le monde et par conséquent, elles produisent énormément de CO2. Loin d’être toutes recyclées, les bouteilles altèrent les écosystèmes et la biodiversité.

Et pourtant une majorité de Français préfère encore consommer de l’eau en bouteille…

L’eau du robinet, tout bénéf

(L’eau du robinet souvent bien moins chère (photo libre de droits istockphoto)

Les eaux en bouteilles plastiques, destinées à la
consommation, sont nettement plus chères que l’eau du
robinet. 100 à 300 fois plus chère, cette différence de prix
est due à l’emballage qui représente 80% du prix de l’eau.
Savez-vous à combien revient le mètre cube d’eau du
robinet ? 2,11€ dans notre région tandis que la quantité
équivalente en eau en bouteille revient à 225 €. Et même
parfois beaucoup plus, comme Laurent Valleroy, directeur
adjoint chez Suez, concessionnaire des eaux du
Valenciennois, nous l’a expliqué : « Une chaine de
restauration rapide bien connue, McDonald ose vendre
des gobelets d’eau du robinet de 25 cl à 1,70€ ; ça revient à
vendre le mètre cube d’eau à 6800€ !  » soit 3200 fois le prix nous payons à domicile.
Beaucoup moins chère donc, l’eau du robinet est aussi moins polluante puisqu’elle est distribuée à proximité de son lieu de captage, sans transport et donc sans émission de C02.

Dans le cadre d’une consommation régulière, l’eau du robinet est donc bien meilleure du point de vue de l’économie, de la santé et de l’environnement. Cela représente un avantage non négligeable par rapport aux bouteilles plastiques.
Chez vous, peut-être que le goût de l’eau du robinet vous dérange ? Pas de problème, on peut le neutraliser avec des carafes à filtre ou en laissant simplement reposer cette eau 24h au réfrigérateur, une solution très simple. Pour faciliter son utilisation et son transport, la gourde est notre alliée : l’eau du robinet peut ainsi nous suivre au lycée ou lors de nos activités sportives. Encore faudrait-il changer nos habitudes parce qu’en réalisant un sondage auprès de nos camarades de classe*, on a constaté que seulement un tiers d’entre nous utilise la gourde…même s’il vaut mieux voir le verre à tiers plein et si c’est un bon début, les bouteilles plastique ont encore leurs partisans. Heureusement beaucoup d’entre eux commencent quand même à alterner, en fait, entre eau du robinet et eau en bouteille.

Le matraquage des marques

Si de nombreuses personnes restent fortement attachées à l’eau en bouteille, mettant en avant ses bienfaits, c’est que les marques matraquent en communication et publicité. Les eaux en bouteilles seraient meilleures pour la santé, apportant de plus grandes quantités d’éléments nutritifs, seraient plus pures…cela repose parfois sur des informations erronées que personne ne vérifie, la majorité des gens se contentant de croire la publicité. En réalité Laurent Valleroy nous le confirme : « en terme nutritionnels, il n’y a aucune différence significative entre les deux types d’eaux. » Le positif dans tout cela est que le nombre de personne consommant de l’eau du robinet est en augmentation. En 2020, 67% de la population consommait de l’eau

L’eau robinet est souvent bien moins chère…

du robinet contre 56% en 2005, un constat très encourageant pour l’avenir et on peut donc espérer de vrais changements de comportement.

Parce qu’en effet, l’eau, ressource vitale ne devrait pas être l’objet d’un commerce, voire d’une véritable arnaque aux conséquences environnementales et sociales importantes : choisir l’eau du robinet, c’est mieux pour notre santé, c’est mieux pour notre planète. Alors on se boit un petit coup ? De l’eau du robinet ?

Jehan Bouvart-Ghewy, Pauline Delbecq, Célia Lannoy, William Legros.

* Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail

* Sondage réalisé auprès des 33 élèves de la classe de 2de du lycée Paul Duez en février 2024

(Chaque personne qui souhaite consulter les résultats du contrôle sanitaire de la qualité de l’eau potable peut se référer au site : solidarites-sante.gouv.fr/sante-et-environnement/eaux/eau ou se rendre à la mairie de sa commune pour observer les résultats d’analyses.)

Sources

  • Le Parisien, « Eaux minérales : une enquête ouverte contre Nestlé Waters », Le Parisien, 31 janvier 2024

https://www.leparisien.fr/societe/sante/eaux-minerales-une-enquete-ouverte-contre-nestle-waters-31-01-2024-FAFON2DAPZFWNGDYMD6VOPBN6A.php

  • Julie Mendret et Alice Schmitt, « Pourquoi il est préférable de boire l’eau du robinet plutôt que celle en bouteille », Le Point, 8 août 2022 

https://www.lepoint.fr/debats/pourquoi-il-est-preferable-de-boire-l-eau-du-robinet-plutot-que-celle-en-bouteille-08-08-2022-2485738_2.php#11

  • Julie Mendret et Alice Schmitt, « L’eau du robinet est potable en France, et plus sûre que l’eau en bouteille, voici pourquoi », Ouest France, 8 août 2022

https://www.ouest-france.fr/leditiondusoir/2022-08-08/l-eau-du-robinet-est-potable-en-france-et- plus-sure-que-l-eau-en-bouteille-voici-pourquoi-3cb32515-e690-4cbc-902a-8ce196d1c6bc

  • Philippe Beaulieu, « Quels sont les contrôles réalisés sur l’eau », Centre d’information sur l’eau

https://www.cieau.com/leau-et-votre-sante/qualite-de-leau/quels-sont-les-controles-realises-sur-leau/

  • Sheelah Delestre, « Évolution de la consommation d’eau du robinet et en bouteille des Français 2005-2020 » Site Statista, 19 septembre 2022 

https://fr.statista.com/statistiques/1331490/evolution-consommation-quotidienne-eau-robinet-bouteille-france/

  • Philippe Reltien, « ENQUÊTE – Les eaux de Volvic dans le Puy-de-Dôme accusées d’assécher les sources », France Bleu, 11 novembre 2022 

https://www.francebleu.fr/infos/environnement/enquete-les-eaux-de-volvic-dans-le-puy-de-dome-accusees-d-assecher-les-sources-1668102847

  • Valérie Gauriat, « L’eau de Volvic, une denrée convoitée et de plus en plus rare », Euronews, 15 juin 2023

https://fr.euronews.com/2023/06/15/l-eau-de-volvic-une-denree-convoitee-et-de-plus-en-plus-rare

  • Marie de la Chaume, « Vittel et Contrex, sources de profit pour Nestlé… jusqu’à épuisement de la nappe phréatique ? », Pièces à conviction France 3, 12 mai 2020 

https://www.francetvinfo.fr/sante/alimentation/video-vittel-et-contrex-sources-de-profit-pour-nestle-jusqu-a-epuisement-de-la-nappe-phreatique_3949773.html

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