Et du verre vert, c’est possible ?
Vous faites peut-être partie des gens qui ont décidé d’adopter un mode de vie zéro déchet et vous vous êtes sûrement tournés vers le verre pour stocker vos pâtes, votre riz dans de petits bocaux ou même peut-être avez- vous opté pour une gourde en verre « tendance ». On classe souvent le verre comme un matériau plutôt respectueux de l’environnement. Mais est-il aussi vertueux qu’on le pense ?
Située à 10 km de Cambrai, dans le Nord de la France, Masnières est une petite commune de 2758 habitants où la verrerie occupe une place centrale ; installée depuis 1818, c’est une véritable institution. Ainsi, quand elle a été menacée de fermeture en 2000, Colette Dessaint, la mairesse de l’époque, arrière-petite-fille, petite-fille, fille, épouse et mère de verrier, par soutien aux travailleurs, s’était même mise en grève de la faim durant 16 jours et…ça avait marché ! Aujourd’hui, tant bien que mal, et maintenant sous pavillon autrichien, la verrerie est toujours en activité. Pourtant les temps changent et la verrerie aujourd’hui doit s’adapter parce que le verre, quoi qu’on en pense, ce n’est peut-être pas forcément très durable.
Alors le verre durable ou pas ?
Sable, soude et calcaire sont les trois matières principales utilisées dans sa conception. On les puise et on les extrait de la nature dans laquelle elles sont présentes en grande quantité, même si le calcin (matière obtenue par broyage de verre recyclé) peut aussi remplacer certains de ses composants. Ensuite, on les fond dans de grands fours chauffés à plus de 1300 degrés, dans lesquels les ingrédients se mélangent pendant toute une journée pour donner du verre en fusion, liquide et brûlant. Refroidi, il donnera le produit final, transparent
et cassant. Premier inconvénient de ce processus de fabrication, c’est le temps et l’énergie : 300 à 500 grammes de CO2 générés pour 1 kilo de verre.
Deuxièmement, les matières que l’on utilise en grande quantité sont épuisables : 50 milliards de tonnes de sable chaque année dans le monde sont consommés pour l’industrie du verre, c’est beaucoup et cela menace des écosystèmes. Outre sa fabrication, le verre a aussi un impact sur l’environnement quand il est livré, pendant des
trajets qui peuvent être plus ou moins longs ; ajoutez à cela, les emballages qui ne sont pas toujours recyclables et parfois disproportionnés par rapport à la taille du produit. Enfin, il ne faut pas oublier que le verre met un million d’années à se décomposer dans l’environnement. Alors quand on pense développement durable, dans le domaine du verre, on peut progresser… mais en tout cas ce qui est vrai, et c’est un véritable atout, c’est qu’il est recyclable à l’infini, qu’il ne perd ni en qualité, ni en pureté durant son processus de refonte.
A Masnières, la prise de conscience environnementale est en route : ici, on a adopté une vraie stratégie développement durable. Ainsi, des panneaux solaires ont fait leur apparition sur les toits de l’usine et l’entreprise a réussi à produire, en 2019, 22 000 MWh d’énergie verte. Celle-ci sert à fournir le réseau local d’électricité et de chauffage urbain faisant baisser sur ce poste l’empreinte carbone négative. Désormais, l’usine utilise aussi le plus possible de colorants naturels, sans métaux lourds. Elle investit également dans la gestion des déchets et a réussi à passer de 44% de déchets recyclés en 2017, à 48% en 2019. Du point de vue social, l’entreprise s’engage à ne pas faire de distinctions de genre, veillant à employer autant d’hommes que de femmes, et encourage la formation et l’apprentissage sur le terrain.
En 2019, la société autrichienne Stoelzle, la maison-mère de Masnières s’est engagée à respecter les objectifs de développement durable, et ne compte pas s’arrêter là : « nous continuons à améliorer notre bilan environnemental et à réduire la consommation d’énergie et les émissions de CO2 en investissant continuellement dans les équipements les plus efficaces » proclame-t-elle sur son site.
Pour en savoir plus, nous avons interrogé le PDG de STOELZLE MASNIÈRES M. Etienne GRUYEZ
De combien avez-vous réduit votre consommation de CO2 ?
« Nous avons baissé nos émissions de CO2 de 12% grâce à notre investissement. »
Les distances de livraison par camion sont-elles plutôt longues ou courtes ?
« Nos clients sont principalement en France (le parfum est le second secteur exportateur de France derrière l’aéronautique). Nous expédions une grande majorité de nos produits dans un rayon de 300 à 400 kms, principalement dans la Cosmetic Valley qui se situe autour d’Orléans. »
Comment les fours sont-ils alimentés ?
« Notre four fonctionne au gaz naturel et à l’électricité. Cette électricité est à 100% verte, en provenance de petits barrages hydro-électriques situés en France. »
Est-ce que le développement durable constitue un investissement important ?
« Je ne peux pas dire que le développement durable est un investissement important, c’est plutôt un investissement constant. Lors de chaque changement de machines ou équipements, ou lors d’investissements dans de nouvelles technologies, nous regardons toujours les nouvelles solutions qui permettent de consommer moins, d’être plus neutre pour l’environnement. Il ne faut pas voir le développement durable comme un coût mais plutôt comme une opportunité de faire mieux. La seule contrainte est que tout le monde ait les mêmes « règles du jeu » ; or nous savons que ce n’est pas le cas dans certains pays et l’on parle alors de concurrence déloyale. Il est donc toujours important de comprendre le prix des choses et si c’est parfois un peu plus cher, c’est aussi parce qu’une partie du coût est là pour financer les investissements dans le développement durable. »
Comment et pourquoi avez-vous mis en place cette stratégie de développement durable ?
« Tout d’abord parce que c’est une volonté profonde du groupe, inscrite dans nos valeurs. Nous savons que la production de verre a un impact important sur l’environnement (cela demande beaucoup d’énergie) et il est important de réduire cet impact. Depuis maintenant 5 ans, nos clients nous demandent d’accélérer davantage ce développement durable et de nous inscrire dans un flux continu. Il est cependant important de rappeler que le verre est l’un des rares matériaux qui peut être recyclé quasiment à l’infini sans dégradation de ses caractéristiques. C’est la force du verre dans l’industrie de l’emballage. »
Si nous voulons laisser aux générations futures une planète saine, il est nécessaire d’adapter notre façon de produire : l’industrie est quand même la deuxième source d’émissions de C02 au monde juste après celle des transports. A Masnières, il semble qu’on l’ait compris. Un exemple à suivre…
Marie Cléton, Léa Rodrigues et Sulivan Paul