Le nucléaire, vraiment une énergie de demain ? 

Le 10 février 2022, le président de la République, Emmanuel Macron annonce un plan de relance du nucléaire avec la construction de nouveaux réacteurs. C’est une vraie surprise qui va à rebours de l’évolution de nos voisins et qui rompt avec les choix engagés depuis plus de 10 ans.  Le nucléaire, c’est aujourd’hui l’énergie la plus utilisée en France avec 72 % de la production électrique, la France étant le pays dans le monde l’utilisant le plus dans son mix électrique. Energie décarbonée qui ne rejette pas de CO₂ et qui permet de produire une énergie peu chère, le nucléaire n’est pas sans défaut au point que le débat fait rage. 

Face au défi du réchauffement climatique, à l’heure où le coût de l’énergie a considérablement augmenté, peut-il être vraiment notre énergie de demain ?  

 

La France compte 57 réacteurs nucléaires
(Image par Markus Distelrath de Pixabay)

C’est la fission qui est à l’œuvre

Aujourd’hui, c’est la fission nucléaire qui fait fonctionner nos centrales. La fission, c’est envoyer des neutrons sur un atome lourd pour le casser en deux plus petits : cela produit alors une énorme quantité de chaleur, générant de la vapeur d’eau, entrainant elle-même des turbines alimentant des alternateurs. De l’électricité est ainsi produite en grande quantité sans émettre de CO₂ et à un coût relativement bas. En France, il y a 57 réacteurs nucléaires âgés de 37 ans en moyenne. Et le bilan carbone du nucléaire est le plus faible avec 6/kWh, soit 5 fois moins que le solaire et 300 fois moins que le charbon. 

Mais qui dit nucléaire, dit déchets radioactifs…

A l’issue d’un cycle de 3 à 4 ans, une grande partie du combustible doit être recyclé. Après traitement (on tente de récupérer ce qui peut encore resservir et faire diminuer la radioactivité), on en tire du Mox, combustible réutilisé dans les réacteurs et qui fournit à peu près 10% de l’électricité actuelle. Mais autour de l’usine de La Hague en Normandie, il reste des déchets ultimes de moyenne ou de haute intensité et dont on ne sait plus que faire actuellement. Théoriquement, on les vitrifie et on entrepose ces futs avant d’enterrer les plus dangereux dans des galeries de couche d’argile stable à près de 500 mètres de profondeur. Mais les sites français sont quasi saturés et une partie des déchets les moins dangereux qui étaient réutilisés par exemple en Russie ne le sont plus à cause de la guerre en Ukraine. En 2018, on estimait à 1,54 millions de m3 le volume des déchets radioactifs répartis dans de nombreux sites partout en France avec, à terme, de vraies questions de fuites dans le milieu.

D’autres inconvénients

Le nucléaire a aussi besoin d’un combustible, l’uranium 235, qui nécessite pour sa production, d’aller chercher de l’uranium naturel parfois bien loin, notamment au Kazakhstan, au Canada, ou en Australie, par exemple…dépendance et parfois tensions géopolitiques en résultent, sans compter qu’on estime son épuisement total au regard des réserves actuelles en 2070. Et puis nos réacteurs nucléaires ont aussi besoin d’eau pour être refroidis et fonctionner. C’est ainsi que de nombreuses centrales sont installées le long de fleuves ou près de la mer comme celle de Gravelines qui nous alimente dans le nord de la France. Le souci, c’est qu’en période de sécheresse ou de canicule comme l’été dernier, il a fallu fermer certaines centrales ou les amener à baisser leur production.

 

Le nucléaire, une technologie risquée

Enfin, autre problème, la sécurité du parc nucléaire reste à surveiller constamment : les catastrophes de Tchernobyl en 1986, ou de Fukushima en 2011 ont causé de nombreux morts et de très lourds dégâts matériels, tout en laissant une radioactivité très présente sur les lieux et aux alentours. Ce risque d’accident est aujourd’hui renforcé par le vieillissement de nos réacteurs nucléaires installés il y a plusieurs décennies. Sans compter que ces technologiques peuvent parfois être détournées à des fins malveillantes pour envisager une utilisation militaire comme on le soupçonne actuellement en Iran. 

Alors, contre l’avis présidentiel, devrait-on se passer du nucléaire maintenant ?

Non, sortir du nucléaire d’un claquement de doigt nous forcerait à utiliser des énergies beaucoup plus polluantes. C’est le cas de l’Allemagne qui avait fait le choix d’arrêter le nucléaire subitement et de passer aux énergies renouvelables : mais aujourd’hui, pour couvrir ses besoins énergétiques, elle a dû réouvrir des centrales à charbon, le plus grand émetteur de CO2.

Certains évoquent la fusion nucléaire comme une piste d’avenir mais celle-ci mettra des années pour être mise au point. Elle n’aurait pas l’inconvénient des déchets radioactifs et son combustible est très abondant.  D’autres misent sur la construction de nouveaux réacteurs, comme les EPR et EPR2 qui produiront moins de déchets radioactifs et avec une meilleure sécurité. Sans parler d’autres petits réacteurs, les SMR, évoqués par le Président.

 

Parc éolien à Flesquières dans le Cambrésis
(Photo Christophe Lefebvre -La Voix du Nord).

Le Cambrésis un territoire à énergie positive

Nous avons voulu à l’échelle de notre territoire voir si nous pouvions nous passer du nucléaire. Thomas Walet, représentant dans le Cambrésis du parti EELV est convaincu qu’on peut y arriver.  « Les énergies renouvelables ont été énormément développées depuis une trentaine d’années ; là où un mix électrique 100% renouvelables aurait été impossible, aujourd’hui tout cela a changé ». Pour lui, il faut une sortie progressive pour éviter la situation de l’Allemagne : « nous devons investir beaucoup plus dans le renouvelable », et il dénonce l’EPR de Flamanville, ce réacteur en construction dont le cout initial de 3,3 milliards d’euros a été actuellement multiplié par 6. 

Magdalena Vanrentenghem est chargée du Plan Climat du Pays du Cambrésis (Photo LeHublot)

Quant à Magdalena Vanrentenghem, chargée du Plan climat à l’échelle du syndicat mixte du Pays du Cambrésis, elle est persuadée qu’on peut être autonome au niveau local : « Le Cambrésis a énormément développé le photovoltaïque et l’éolien, et cela permettra une indépendance énergétique du territoire ». Chaque région a ses atouts énergétiques qu’il faut mettre en valeur, l’éolien chez nous, la biomasse ailleurs mais pour elle « une sortie du nucléaire vers 2060 est possible » à condition qu’on prenne appui sur les territoires.

Si l’énergie nucléaire a encore ses défenseurs au plus haut sommet de l’état, ses défauts ne sont pas minces…l’avenir passe indéniablement par plus de renouvelable : c’est pour cela que des personnes se mobilisent, font des recherches, investissent et cela marche, comme nous l’avons constaté au niveau local. Reste une volonté collective pour assurer un meilleur avenir pour les générations futures.

 

Simon Bourel, Cylian Hamoudi, Milan Seeuws.

 

Sources

« Nucléaire – Greenpeace France ». Greenpeace France, 26 janvier 2023, www.greenpeace.fr/sortir-du-nucleaire.

« Les émissions carbone du nucléaire français : 4g de CO2 le kWh – Sfen » . Sfen, 17 juin 2022, www.sfen.org/rgn/les-emissions-carbone-du-nucleaire-francais-37g-de-co2-le-kwh.

Afp, Le Parisien Avec. « Canicule : des réacteurs nucléaires d’EDF abaissent leur production mais des dérogations environnementales sont prolongées ». leparisien.fr, 5 août 2022,

 www.leparisien.fr/environnement/canicule-des-reacteurs-nucleaire-dedf-abaissent-leur-production-mais-des-derogations-environnementales-sont-prolongees-05-08-2022-7AZRP6NLN5FSNNIHMUMCRRGC5Y.php.

Mouterde, Perrine, et Marjorie Cessac. « Russia owns the only plant in the world capable of reprocessing spent uranium ». Le Monde.fr, 3 décembre 2022,

 www.lemonde.fr/en/energies/article/2022/12/03/russia-owns-the-only-plant-in-the-world-capable-of-reprocessing-spent-uranium_6006479_98.html.

« Quatre mille manifestants à Lille contre le réacteur nucléaire EPR ». Réseau Sortir du nucléaire, www.sortirdunucleaire.org/Quatre-mille-manifestants-a-Lille.

Isnard-Dupuy, Émilie Massemin Et Pierre. « CARTE EXCLUSIVE &mdash ; Les déchets radioactifs s’entassent partout en France ». Reporterre, le média de l’écologie, 18 avril 2019, reporterre.net/CARTE-EXCLUSIVE-Les-dechets-radioactifs-s-entassent-partout-en-France.

« Tout savoir sur les déchets nucléaires et radioactifs | Orano ». orano.group, www.orano.group/fr/decodage/dechets-radioactifs.

Sitographie :     https://www.negawatt.org/Association négawatt

                        https://www.ademe.fr/

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